L'Autorité polynésienne de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé à l'Autorité polynésienne de la concurrence le 27 juin 2016 et déclaré complet le 8 août 2016, relatif à la création d'un magasin de commerce de détail, sous enseigne Easy Market, situé avenue du Prince Hinoi à Papeete, enregistré sous le numéro 16-002 S ;
Vu le code de la concurrence, et notamment ses articles LP 320-1 à LP 320-3 ; Vu le rapport du service d'instruction en date du 19 août 2016 ;
Vu les observations en réponse au rapport présentées par la partie notifiante en date du 26 août 2016 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Le rapporteur, le rapporteur général et le représentant de la partie notifiante entendus lors de la séance de l'Autorité polynésienne de la concurrence du 9 septembre 2016, le président du Conseil des ministres de la Polynésie française ayant été invité à faire connaître sa position.
Adopte la décision suivante :
- L'ENTREPRISE CONCERNEE
- La Société Commerciale du Prince Hinoi (ci-après la « SCPH » ou « partie notifiante ») est une filiale à 100 % de la société en participation pour la distribution (ci-après la « SPD »), elle même détenue par un actionnaire unique, Monsieur Louis
- La SCPH exploitera le futur supermarché sous enseigne Easy Market situé avenue du Prince Hinoi à
- La SPD est active dans le secteur du commerce de détail généraliste à dominante alimentaire en Polynésie française. Elle détient l'ensemble des sociétés exploitant les magasins à enseignes Carrefour, Champion et Easy Market en Polynésie française. La SPD est également active dans le secteur du commerce de détail spécialisé en produits multimédias (télévisions, consoles de jeux, ordinateurs, tablettes, matériels informatiques et vidéo). Elle détient ainsi 100 % des sociétés exploitant l'enseigne Medianui, présente dans les magasins Carrefour de Punaauia, d'Arue et de Taravao, et dans le magasin Champion de
- En outre, la SPD est acteur dans le secteur de l'approvisionnement en produits de consommation courante [...].
- L'OPERATION NOTIFIEE
- L'opération notifiée par la SCPH, est un projet de création d'un magasin de commerce de détail à dominante alimentaire sous l'enseigne Easy Market, qui serait implanté sur la commune de Papeete, dans le quartier Fariipiti, à l'angle de l'avenue du Prince Hinoi et de la rue Georges Bambridge, et dont l'ouverture serait effective courant octobre 2016. La surface de vente du magasin projeté, telle que définie par l'article 102-1 du règlement intérieur de l'Autorité polynésienne de concurrence, est estimée par la SCPH à 920 mètres carrés.
- Le mode de calcul de la surface de vente du projet notifié au sens du droit de la concurrence, désormais en vigueur, précisé à l'article 102-1 du règlement intérieur précité diffère de celui retenu en application de la réglementation d'urbanisme commercial antérieure et abrogée, bien que le projet étudié demeure le même depuis sa création.
- L'opération a été initiée en 201 1, notamment par le dépôt d'une demande de permis de construire le 15 juillet 2011 auprès de la mairie de Papeete. Dans son dossier de notification et dans ses observations au rapport du service d'instruction, la partie notifiante soutient que cette opération ne relèverait pas du cadre mis en place par la loi du pays n° 2015-2 du 23 février 2015 relative à la concurrence, mais de celui instauré par la délibération n° 94-136/AT du 22 décembre 1994 modifiée réglementant l'implantation de certains commerces de vente au détail 1 que cette loi est précisément venue
- EVOLUTION DU CADRE LEGISLATIF ET REGLEMENTAIRE DEPUIS 2011
8. Avant le 31 janvier 2012, le régime d'autorisation préalable en matière de création, extension ou transformation de magasins de commerce de détail était prévu par (i) la délibération n° 94- 163 AT du 22 décembre 1994 modifiée2 réglementant l'implantation de certains commerces de vente au détail, (ii) l'arrêté n° 794 CM du 23 juillet 1996 modifié 3 fixant la composition et le fonctionnement de la commission d'implantation des grandes surfaces commerciales et (iii) l'arrêté n° 1299 PR du 4 avril 2010 portant nomination des membres de la commission d'implantation des grandes surfaces commerciales.
- En application de ces textes, étaient soumis à autorisation préalable « les projets de constructions nouvelles entrainant création de magasins de commerce de détail d 'une surface de vente supérieure à 300 mètres carrés » (article 1er 1° de la délibération n° 94-163 AT modifiée). Les autorisations de tels projets commerciaux étaient accordées par arrêté (article 2 premier alinéa) et devenaient caduques si les travaux n'avaient pas commencé dans le délai d'un an à compter de la date de publication de l'arrêté (article 2 deuxième alinéa). En outre,
« l 'octroi du permis de travaux immobiliers ou, lorsque ce permis n 'estpas nécessaire, celui de toute autorisation délivrée en application du code de l'aménagement, telle notamment l'autorisation d 'ouverture au public, est subordonné à l'autorisation » (article 3 premier alinéa).
1O. La loi du pays n° 2012-7 du 30 janvier 2012 (portant modification de la délibération n° 94- 163 AT du 22 décembre 1994 réglementant l'implantation de certains commerces de vente au détail), entrée en vigueur le 31 janvier 2012, a modifié le régime d'autorisation préalable décrit ci-dessus à plusieurs égards.
- En premier lieu, s'agissant des constructions nouvelles, le seuil de surface de vente déclenchant le régime d'autorisation était augmenté à 1 000 mètres carrés sur l'île de Tahiti et à 600 mètres carrés dans les autres îles (article 1er 1° de la délibération n° 94-163 AT modifiée). En deuxième lieu, les conditions de péremption des autorisations, jusqu'à lors d'une durée d'un an si les travaux n'avaient pas commencé dans ce délai, devaient désormais être « définies par arrêté en conseil des ministres » (article 2 deuxième alinéa). En troisième lieu, lorsqu'un projet de création, de changement d'enseigne, d'extension ou de transformation de magasin de détail n'était pas soumis à autorisation, il était soumis à déclaration auprès du service en charge des affaires économiques (article 1er bis premier alinéa). Etaient astreints au régime déclaratif les magasins ayant atteint une surface de vente de 300 mètres carrés (article 1er bis deuxième alinéa).
- En outre, l 'arrêté n° 276 CM du 23 février 2012, portant modification de l'arrêté n° 794 CM du 23 juillet 1996 modifié fixant la composition et le fonctionnement de la commission d'implantation des grandes surfaces commerciales, introduit un nouvel article, l'article 16 bis, qui prévoit que « [l ]orsque la réalisation d 'unprojet autorisé ne nécessite pas de permis de construire, l 'autorisation estpérimée si l 'ouverture au public n 'estpas effectuée dans un délai de trois ans à compter de la notification prévue à l 'article 15 du présent arrêté. Lorsque la réalisation du projet autorisé est subordonnée à l 'obtention d 'un permis de construire, l 'autorisation est périmée si une demande recevable de permis de construire n 'est pas déposée dans un délai de deux ans à compter de la notification de l 'autorisation et si l 'ouverture au public n 'est pas effectuée dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le permis de construire est devenue définitif ».
- En février 2016 est entré en vigueur le code de la concurrence créé par la loi du pays n° 2015- 2 du 23 février 2015 relative à la concurrence, loi qui abroge l'ensemble des textes définissant le cadre réglementaire relatif à l'implantation de certains commerces de vente au détail dont il vient d'être rappelé l'évolution. Cette loi soumet à autorisation préalable de l'Autorité polynésienne de la concurrence « les projets de création ou d 'extension de magasins de commerce de détail d 'une surface de vente supérieure à trois cent mètres carrés » (article LP 320-1).
B. APPLICATION AU CAS D'ESPECE
- L'AUTORISATION lNlTlALE, EN DATE DU 22 DECEMBRE 2011
- Par arrêté n° 3125 PR du 22 décembre 20114, la SCPH était autorisée à implanter et exploiter un supermarché de 800 mètres carrés de surface de vente5sous enseigne Easy Market à Selon l'article 2 de l'arrêté précité, l'autorisation « devient caduque si les travaux n'ont pas commencé dans un délai d 'un an à compter de la date de publication du présent arrêté ». Cette publication étant intervenue le 29 décembre 2011, les travaux de construction du supermarché devaient commencer au plus tard le 29 décembre 2012.
15. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation de travaux immobiliers pour la construction d'un supermarché a été enregistrée au service de l'urbanisme de la Polynésie française le 30 août 2012, et que le permis de travaux immobiliers a été délivré, sous le numéro n° 11-065-1 / MAA.AU.PPT, le 11 septembre 2012. L'affichage du permis de construire aurait eu lieu avec constat d'huissier, selon la SCPH, les 15 et 24 octobre 2012. L'ouverture des travaux a été déclarée auprès du chef du service de l'urbanisme et au chef du service de la direction du travail le 30 avril 2014. Le début des travaux a été constaté par huissier les 2 et 6 mai ainsi que les 2 et 12 juin 2014.
- En application du cadre réglementaire et législatif applicable à l'époque des faits, à la date du démarrage des travaux immobiliers relatifs au projet à la fin du premier semestre 2014, la société SCPH avait perdu le bénéfice de son autorisation de création du supermarché Easy Market délivrée par l 'arrêté n° 3125 PR précité.
- LA VALIDITE DU PERMIS DE CONSTRUIRE DELIVRE LE 11 SEPTEMBRE 2012
17. Le permis de travaux immobiliers a été délivré à la SCPH, sous le numéro n° 1 1-065-1 / MAA.AU.PPT, le 11 septembre 20126 .
- Ce permis mentionne que les travaux devront être réalisés sur la base du dossier présenté confonnément aux prescriptions générales des règlements de construction et d'hygiène de la Polynésie française, sous un certain nombre de réserves, dont le respect de l'arrêté n° 3125 PR du 22 décembre 2011. Il spécifie également qu'en cas de modification du projet, une autorisation administrative doit être obtenue au préalable. Il prévoit en outre qu'à la fin des travaux, une demande de certificat de conformité doit être déposée à la mairie de Papeete et qu'aucune occupation des lieux ne sera possible avant l'obtention de ce certificat. Enfin, la durée de validité du permis y est explicitement prévue : « l 'autorisation de travaux immobiliers estpérimée si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de 2 ans à compter de la présente notification. Il en est de même si les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. En cas de recours, le délai de validité du permis de construire est suspendu jusqu 'au prononcé d 'une décision juridictionnelle irrévocable ».
- Ainsi, le délai de deux ans explicitement prévu par le permis de construire conduisait à une échéance au 11 septembre 2014. Or, comme indiqué précédemment, l'ouverture des travaux a été déclarée auprès du chef du service de l'urbanisme et du chef du service de la direction du travail le 30 avril 2014. Un huissier a constaté par procès-verbal le début des travaux les 2 et 6 mai et les 2 et 12 juin Il est par ailleurs mentionné au dossier que le permis de construire n'a pas fait l'objet de contestation dans le délai prévu à cet effet. De même, aucun élément au dossier ne fait part d'une interruption des travaux supérieure à un an entre mi 2014 et ce jour ou d'une modification du projet qui aurait dû conduire à l'obtention préalable d'une nouvelle autorisation administrative.
- En conséquence, en l'absence de recours et d'interruption pendant un délai supérieur à un an des travaux, la SCPH n'a pas perdu le bénéfice de son autorisation de réaliser des travaux immobiliers obtenue le 11 septembre
- A cet égard, la validité toujours en cours du pennis de construire délivré en 2011 n'a d'ailleurs pas été remise en cause par le service de l'urbanisme lorsqu'il a fait suite, le 15 juillet 2015, à la demande de la SCPH de transférer ledit permis à la SCI Manariki sans modification des conditions de péremption prévues.
- LE REGIME APPLICABLE A LA CREATION D'UNE SURFACE COMMERCIALE A LA DATE DE DEBUT DES TRAVAUX
22. A la date du début des travaux de construction du supermarché, mi 2014, l'autorisation d'implanter et d'exploiter un supermarché Easy Market de surface de vente7 de 800 mètres carrés à Papeete délivrée par l'arrêté n° 3125 PR du 22 décembre 2011 était devenue caduque.
- En conséquence, à cette date, la SCPH devait vérifier si, en lançant les travaux de construction du supermarché projeté, elle respectait la réglementation relative à l'implantation de certains commerces de vente au détail. En effet, l 'esprit du cadre applicable à la création de certains commerces de détail subordonnait la délivrance d 'un permis de réaliser des travaux immobiliers à l'obtention, lorsqu'elle s'imposait, d'une autorisation d'implantation et d'exploitation 8
- Comme rappelé ci-dessus, le cadre réglementaire et législatif alors en vigueur imposait un régime d 'autorisation préalable pour les constructions nouvelles lorsque le seuil de surface de vente dépassait 1 000 mètres carrés sur l'île de Tahiti et un régime déclaratiflorsqu'il dépassait 300 mètres carrés.
- Le projet de supermarché Easy Market étant d'une surface de vente9 de 800 mètres carrés, il ne relevait plus des projets de création de surface commerciale soumis à autorisation préalable. Dans la mesure où la nature du projet en considération l'excluait des cas soumis au régime d'autorisation préalable prévus par l 'article 1er de la délibération n° 94-163 AT du 22 décembre 1994 modifiée, aucune des autres dispositions prévues à la fois par cette délibération et ses arrêtés d'application n'avaient vocation à s'appliquer.
- Cette analyse est partagée par la partie notifiante dans ses observations au rapport du service d'instruction.
- L'INAPPLICABILITE AU CAS D'ESPECE DES DISPOSITIONS DU CODE DE LA CONCURRENCE
27. Selon l'article 2 du Code civil, la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif. Ce principe de non-rétroactivité de la loi fait obstacle à ce qu'une règle nouvelle s'applique, au sens où elle remettrait en cause, à des situations déjà constituées sous l'empire des anciennes règles
- Entré en vigueur au 1er février 201611, le code de la concurrence prévoit, dans son titre II du livre III, le contrôle des surfaces commerciales. Le cadre applicable au contrôle des surfaces commerciales est plus généralement défini par les articles LP 320-1 à LP 320-4, LP 620-10, A 320-1 et A 320-2 du code de la concurrence, ainsi que par les articles 102-1, 112-01 à 112- 03, 121-07, 132-01 et 132-02 et l'annexe 4 du règlement intérieur de l'Autorité polynésienne de la concurrence. Les opérations concernées, définies à l'article LP 320-1, sont « les projets de création ou d 'extension de magasins de commerce de détail ou de transformations d 'immeubles existants en établissements de commerce de détail d 'une surface de vente supérieure à trois cents mètres carrés ». De telles opérations doivent en effet être notifiées à l'Autorité polynésienne de
- L'entrée en vigueur du code de la concurrence pose la question de la notion de « projet ». En effet, si l'application des nouvelles règles ne pose pas de difficulté dès lors que le projet verrait le jour postérieurement à la date d'entrée en vigueur du code de la concurrence, la question se pose pour un projet qui, comme au cas d'espèce, aurait été lancé antérieurement à cette date.
- S'agissant particulièrement du projet de création du supermarché Easy Market par la SCPH, d'une surface de vente 12 d'environ 800 mètres carrés, débuté au plus tard en 2011, la notion de projet est liée à l'obtention du permis de construire dans la mesure où, comme indiqué précédemment, l'obtention du permis de construire est subordonnée au respect de la réglementation relative à l'implantation et l'exploitation de certains commerces de détail. A cet égard, bien que déposée en juillet 2011 à la mairie de Papeete, la demande d'autorisation de travaux immobiliers n'a été enregistrée au service de l'urbanisme qu'en août 2012, soit postérieurement à l 'obtention par la SCPH de son autorisation d'implantation et d'exploitation.
- Ce principe de subordination de la délivrance du permis de construire à l'obtention de l'autorisation administrative d 'implanter et d'exploiter une création de surface commerciale n'a pas été remis en cause lorsque le cadre réglementaire applicable a évolué en 2012, et ce jusqu'à l'entrée en vigueur du code de la
- Ainsi, bien que l'autorisation initiale de 2011 était devenue caduque, la validité du permis de construire perdurant au regard notamment du changement de cadre réglementaire favorable à la SCPH, le stade de « projet » au sens de la réglementation en vigueur est révolu depuis la date de lancement des travaux. En effet, au moment du commencement des travaux, et sur la base du permis de construire obtenu dans le respect de la réglementation en vigueur lors de son obtention, le projet de création du supermarché d 'enseigne Easy Market n'était plus soumis à autorisation d'implantation d'une surface commerciale. Le projet devait alors être considéré comme autorisé tacitement et sa situation juridique établie.
- Aussi, seule une « modification substantielle » du projet postérieure à l'entrée en vigueur du code de la concurrence aurait nécessité une nouvelle La jurisprudence entend par« modification substantielle » celle qui touche l'économie du projet initial et qui est donc susceptible d'avoir des incidences sur le sens de la décision qui a été prise par la commission d'implantation des grandes surfaces commerciales 13.
- En l'espèce, aucun élément au dossier ne fait état d'une telle modification substantielle pour le projet de création du supermarché Easy Market de Prince Hinoi, dont la situation juridique ne peut être remise en
- La partie notifiante partage cette analyse dans ses observations au rapport du service d'instruction.
- Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'opération de création d'un supermarché sous enseigne Easy Market notifiée par la SCPH n'est pas contrôlable au titre des dispositions applicables au contrôle des surfaces commerciales prévues par le code de la concurrence quand bien même l'ouverture est prévue après l'entrée en vigueur du code de la
DÉCISION
Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 16-002 S n'est pas contrôlable au titre des dispositions du code de la concurrence relatives au contrôle des surfaces commerciales.
Délibéré par Jacques Mérot, président, Maïana Bambridge, Jean-Christophe Lau, Florent Venayre et Julien Vucher-Visin, membres.
Le président,
Jacques MEROT